Les hôtels ont toujours mis à la disposition des clients discrets qui le désiraient des chambres inoccupées, pour un usage en journée de quelques heures.

Cette pratique identifiée par le terme « day use » est aujourd’hui un véritable phénomène dans l’hôtellerie grâce des plateformes digitales dont le leader est français.

La transformation digitale d’une pratique confidentielle.

Les startups Dayuse (France) et sa concurrente ByHours (Espagne) commercialisent des chambres d’hôtel pour quelques heures en pleine journée (Day Use). On l’aura compris, ces chambres sont rarement utilisées pour dormir. Cette pratique connue sous le terme « day use » est utilisée par la  plupart des hôteliers mais en toute confidentialité, eu égard au caractère sulfureux de ce qui est souvent perçu comme un refuge peu avouable pour des relations intimes illégitimes.

Comme souvent dans le digital, il s’agit donc de réinventer une pratique existante que l’on essaie de dépoussiérer et d’étendre à la fois à de nouveaux producteurs mais aussi à de nouveaux consommateurs (le fameux « effet de réseau »).

Comme toute plateforme digitale de l’économie ubérisée, elles se positionnent en tant qu’intermédiaires. Elles facilitent et sécurisent la rencontre entre le client et le producteur (matchmaking) en échange d’une commission plutôt élevée (autour de 20%) et laissent bien entendu les problèmes opérationnels et tous les risques aux hôteliers sans oublier de les enfermer dans des clauses d’exclusivité contractuelle plutôt strictes.

Réveiller les actifs « dormants » : le basic de l’uberisation.

C’est en constatant la difficulté à obtenir un taxi à Paris mais aussi les files d’attente de voitures de standing devant des hôtels de luxe que les fondateurs d’Uber ont eu leur déclic : pourquoi ne pas mieux organiser ces actifs si mal utilisés et en profiter pour rendre un service meilleur ? Ainsi est né Uber Black : un service de courses de type taxi, en catégorie luxe, à un prix à peine supérieur à celui d’un taxi. Les premiers succès ont permis d’universaliser le service avec des déclinaisons beaucoup moins haut de gamme comme Uber X, Uber Pop (interdit en France) et maintenant Uber Pool (taxi partagé).
En recyclant sur le marché, les heures des chambres d’hôtel de standing inoccupées en journée, ces plateformes surfent sur l’une des clés d’une ubérisation réussie : le recyclage économique d’actifs dormants. Fortes de premiers succès, ces plateformes s’étendent désormais à l’international à vitesse soutenue pour la française DayUse (déjà 18 pays) notamment grâce à une levée de capital de 15 millions d’euros. L’étape suivante est également écrite d’avance : ces plateformes ne tarderont pas, comme Uber et les autres, à étendre leur clientèle, leurs services et leur modèle économique au-delà de ce que l’on connait aujourd’hui.

En entrant par le haut de gamme, ces plateformes « disruptent »… la disruption.  

Pour Clayton Christensen, professeur à Harvard et théoricien de la disruption, seule une entrée par le bas de gamme ou le « low cost » peut permettre à une nouvelle offre de disrupter un marché et déclasser ses concurrents.  Les succès de l’iPhone et de l’iPad avaient déjà ébranlé cette jeune théorie. En entrant sur le marché des taxis par le haut de gamme (les VTC), Uber a terminé de dynamiter cette théorie. Dayuse.com également entre sur son marché par une offre haut de gamme et c’est essentiel. Les hôtels qui s’affichent pour héberger cette pratique confidentielle voire sulfureuse sont pour la plupart des hôtels trois ou quatre étoiles. Ce « standing » joue un rôle de caution. Elle décomplexe les clients et donne ses lettres de « noblesse » à cet usage jusqu’ici inavoué.
Avec cette stratégie par le haut de gamme, un nouveau marché semble même s’ouvrir, celui des couples parfaitement légitimes qui peuvent ainsi s’autoriser une « pause détente et romantique » dans un hôtel de luxe dont ils n’auraient pas toujours les moyens pour s’offrir une nuit. Or, c’est cette capacité à sortir du marché de niche initial, à créer un nouveau style de vie qui dépasse un premier usage confidentiel réservé à un groupe réduit de clients qui conditionne les uberisations les plus réussies.

Le premier à l’échelle ramasse tout ?

L’économie des plateformes laisse peu de place aux seconds comme le précise la maxime digitale « winner takes all ». Le très récent dépôt de bilan de Viadeo, le concurrent francophone de linkedin le rappelle amèrement.

Pour devenir la plateforme dominante sur un marché, il est essentiel, non pas d’être le plus innovant mais d’arriver le premier à l’échelle (taille critique). Cette course de vitesse a été popularisée par le fondateur de Linkedin, Reid Hoffman, sous le terme «blitzscaling », en référence à la guerre éclair menée par les troupes allemande en 1940.

En ayant fait entrer à son tour de table P. Dubrule, Président du conseil de surveillance d’Accor et J-A Granjon, fondateur de Vente-privée.com, DayUse se révèle un élève appliqué de l’économie des plateformes.

En effet, trouver des financements importants pour accélérer son expansion est indispensable, mais les trouver auprès d’entrepreneurs issus du métier que l’on veut disrupter ou de riches entrepreneurs du digital, rodés à la croissance éclair est un atout considérable jusqu’ici difficile à réunir sous nos contrées.

Nos champions d’hier et d’aujourd’hui ne sont-ils pas les meilleurs parrains des succès de demain ? Si tel était le cas, la disruption serait donc aussi une affaire de continuité… et les politiques françaises en matière d’innovation feraient bien de s’intéresser de près à cette « nouvelle » loi économique.